Oct2Written by:CamerRevolution
10/2/2012 11:21 AM
Tandis que sous d’autres cieux, on aurait vu en cette période de commémoration de la réunification et de l’indépendance du Cameroun Anglophone, le monument de la Réunification grouiller de monde et même accueillir de jeunes scolaires et étudiants, friands de l’histoire du Cameroun, le haut lieu du rassemblement du Cameroun Fédéral est resté fermé au public. En peine et presque en ruines, le vestige qui n’a même pas fait sa toilette des grands jours, ploie dans la déchéance, la misère, l’indifférence, l’insouciance, murmurant ainsi sa haine et sa colère contre un pays qui a choisi d’écrire son histoire avec la gomme.
1-Les derniers décombres d’un vestige abandonné
Hier lundi, 1er octobre 2012. Il est un peu plus de 12 heures 30 minutes à l’esplanade du monument de la Réunification. Le reporter du Messager qui fait le guet depuis plus de deux heures, attend toujours de voir si des colonies de jeunes scolaires, des étudiants, tous accompagnés de leurs enseignants d’histoire, certains apparatchiks et hommes de pouvoir, viendront s’incliner au pied du monument. En cette date du 1er octobre, jour de la célébration de la Réunification du Cameroun. Dans ses rêves les plus fous, il s’attend à voir par surprise, le chef de l’Etat Paul Biya, président de la République du Cameroun arriver par surprise, accompagné des affidés de son régime, déposer une gerbe de fleur, en signe de reconnaissance aux combattants de la liberté qui ont transpiré, versé sang et sueur pour que le Cameroun soit debout et fier. Que non !
Et pourtant, faire le tour du propriétaire, aurait été une occasion ne serait-ce que pour rassurer les compatriotes de la partie anglophone, que la Nation pense toujours à l’organisation du cinquantenaire de la Réunification ; une période qui consacre également l’indépendance de ces derniers. Rien de tout cela ne se produit ; l’anxiété et l’ennui gagnent le reporter. Il tourne en rond et ne compte plus le nombre de fois qu’il a fait le tour du propriétaire. De l’extérieur. Malheureusement. Et pour cause, les deux portails qui barrent l’entrée principale du monument sont hermétiquement fermés. De gros Cardenas vous suggèrent que l’entrée est prohibée. « Et pourtant aujourd’hui est le 1er octobre. Comment peut-on garder fermé un des symboles les plus forts de l’histoire de la réunification du Cameroun » s’exclame un des rares visiteurs à faire le déplacement. Visiblement indigné et vexé par le degré de décrépitude et de déchéance auquel est confiné le monument de la Réunification.
A première vue, ceux qui passent à bord de leur véhicule et même à pied sur l’axe central, constatent la mort dans l’âme et le pincement au cœur, que le monument de la Réunification est resté fermé au public toute la journée d’hier. Les plus courageux qui ont tenté de le pénétrer par la voie arrière, se sont vus stopper par le vigile et cerbère des lieux. « Pour visiter le monument, il faut saisir par voie de courrier le ministre, seul habilité à nous instruire de vous ouvrir l’accès ici. Et si vous voulez vous faire des photographies, il faut une autorisation spéciale du directeur du patrimoine » lance le vigile.
D’espoirs fous en amères illusions, le curieux visiteur qui est ainsi interdit de visite au monument, a le temps de constater que l’esplanade du vestige est noyée dans les herbes. Sur les deux entrées, à partir des escaliers, le marbre qui conduit au pied de l’immeuble, a mal à sa respiration. A cause des tas d’immondices qui infestent le site, le ressentiment est profond et le désenchantement aussi. « On est en plein chantier, les travaux de mise à neuf du monument avancent normalement » avoue le vigile ; le regard absent et fuyant. En ce jour et comme depuis longtemps, le monument ne vibre pas au rythme et à la cadence attendue. Plus grave, l’on verse dans l’indignation, la désapprobation et la révolte, lorsqu’en scrutant le gouvernement du Renouveau, l’on se rend bien compte que le ministre actuel des Arts et de la culture, Ama Tutu Muna est de la partie anglophone, fille de Salomon Tandeng Muna, l’un des plus grands artisans de l’édification du Cameroun. Même pour la mémoire de son père, elle n’a rien fait pour la propreté et le rayonnement du monument de la Réunification. Hélas !
2-Mépris et indifférence de la nation camerounaise
Abandonné dans la déchéance et le vieillissement, le monument de la Réunification qui ploie sous l’âge, n’a plus rien à voir avec le fringant ouvrage qui affichait fière allure. A en juger par ses jambes flageolantes, le symbole de la Réunification est complètement désorienté. Le visuel photographique de ce qui en reste, illustre le niveau d’inculture et d’insouciance d’une nation qui a choisi de vivre sans ses repères et ses légendes. Paul Biya et son gouvernement sont-ils donc piqués par le virus de l’ingratitude, l’égoïsme, l’indifférence ? Sinon, faut-il croire que les dirigeants de ce pays sont des personnes désincarnées, amnésiques au point où, on pourrait croire que leurs mémoires auraient pris des vacances ? L’image qu’affiche le monument de la Réunification démontre à suffisance que les pouvoirs publics sont déconnectés ; que la proximité avec les symboles de l’histoire est inexistante. Dans les coulisses et les points de décision où le reporter du Messager est passé, le silence est contagieux. Personne ne veut porter le chapeau.
Combien de jeunes camerounais, collégiens, lycéens, étudiants ont entendu parler de Samuel Minkyo Bamba, René Jam Afane, Gédéon Mpando ? Très peu assurément. Et pourtant, Gédéon Mpando est l’architecte du monument de la Réunification. Ledit monument représente pour le Cameroun, ce que la Tour Eiffel est pour la France. Mais entre Gédéon Mpando et Gustave Eiffel, quel fossé ; quel décalage ; quel contraste en terme de représentation sociale, historique et culturelle ? Nos compatriotes qui ont été de l’autre coté de l’Océan (en France par exemple), s’auto glorifient et sont fiers de se montrer en photographies sur le pied de la Tour Eiffel. Dans le même temps, il faut toute une procédure administrative et protocolaire, pour visiter ou se faire photographier sur le site du monument de la Réunification à Yaoundé. Et pourtant, il faut bien mettre un terme à l’extermination des bribes et reliques de notre histoire.
3-La 2ème mort de Jean-Baptiste Obama et Rev père Mveng
Qui ne se souvient des sacrifices, l’engagement et la détermination du Révérend père jésuite, Engelbert Mveng et le professeur Obama, à restaurer, mieux à restituer aux générations futures, les leçons de vie et l’histoire des combattants de la liberté qui ont payé de leur vie pour que le Cameroun devienne un pays indépendant. Durant toute leur vie, on les a vus œuvrer d’arrache pied, dans la valorisation des héros et martyrs ; mais sur tout qu’ils étaient prêts à tous les sacrifices, pour barrer la route à la déconstruction des légendes. Le père Mveng a peint de sa propre main, les portraits, les universaux culturels que l’on peut admirer, malgré la ruine au sous-sol du monument. Le philosophe Jean Baptiste Obam, avait fait de la lutte contre la déliquescence du monument, une bataille d’honneur. L’on avait pensé que personne ne danserait sur la tombe de ses défenseurs de la mémoire collective, des monuments et des fondations. A l’observation de l’état de désaffection du monument de la Réunification, tout laisse croire qu’en réponse au sacrifice suprême des martyrs une espèce d’embargo sur l’histoire du Cameroun. Comment s’empêcher de penser que le Cameroun a définitivement choisi d’écrire son histoire avec la gomme ?
Le monument de la Réunification qui rappelle la naissance de l’Etat fédéral du Cameroun, avec le rattachement du Cameroun occidental au Cameroun oriental, invite à un devoir de conscience collective. Le tableau sombre du monument de la Réunification et des archives nationales, la mauvaise haleine du musée national, l’inexistence de la bibliothèque nationale, la grippe qui enrhume le cinéma camerounais…, sont une atteinte grave à la mémoire collective. Le tableau sombre du monument de la Réunification et des archives nationales, la mauvaise haleine du musée national, l’inexistence de la bibliothèque nationale, la grippe qui enrhume le cinéma camerounais…, sont une atteinte grave à la mémoire collective. C’est pratiquement suicidaire pour le Cameroun de vivre désormais sans repères, ou de continuer à tricher avec ses enfants en tournant définitivement le dos au passé.
DOUALA - 02 OCT. 2012
© Souley ONOHIOLO | Le Messager